La RSE a brisé son plafond de verre !
Chamboulement lors de la tenue des assemblées générales d’actionnaires
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Plus de la moitié des Assemblées générales des grandes entreprises qui se sont déroulées en mai ont abordé les questions RSE. C’est une évolution remarquable car jusqu’à maintenant on flattait les petits porteurs avec des dividendes et un cocktail, sans trop parler des sujets dérangeants ! Mais la pression s’est inversée ; elle vient de la salle et plus seulement des organisations activistes dont la radicalité effraie les petits porteurs. Les questions RSE sont devenues sérieuses comme les réponses qu’y apportent les entreprises désormais : quel est l’impact du réchauffement climatique, respectez-vous les droits humains au bout du monde, êtes-vous en progrès en matière de recyclage des déchets, quelle est la place des femmes dans vos instances….autant de sujets auxquels les actionnaires attachent une attention croissance. Non pas qu’ils pensent que cela crée plus de résultats que les investissements numériques, mais ils ne veulent plus donner de l’argent à des entreprises vilipendées dans les medias pour leur mauvais comportement. Ce n’est pas une évolution mais une révolution, même si « l’actionnaire responsable » est encore une « minorité sympathique », comme le consom’acteur ou le manager responsable, pour citer des démarches émergentes.
Corrélations positives entre la performance actionnariale et les engagements RSE sérieux des entreprises ; près de 20% n’hésitent pas à dire certains experts !
l’administrateur qui fait bouger les pratiques…
Ayant bien senti cela, les conseils d’administration se préoccupent depuis plusieurs mois de dépasser la revue formelle des reporting extra-financiers demandés par la loi qui sont lourds, souvent peu stratégiques et toujours positifs…Plusieurs démarches sont en train de faire sauter cette indifférence, voire cette critique idéologique que beaucoup de dirigeants ont formulé à l’égard d’une demande de responsabilité qu’ils trouvaient culpabilisante, excessive et bureaucratique, parfois à juste titre, surtout lorsqu’elle venait d’organisation qui leur demandait de mettre un terme à leur activité !
Le premier déblocage est venu d’entreprises leaders, comme Engie, Danone, Sanofi, qui se sont essayées courageusement à des « reporting intégrés » pour mettre ensemble la démarche financière et RSE et faire un lien entre résultats, risques, opportunités et développement durable, d’une façon simple, compréhensible et mesurée. La deuxième démarche est collective ; elle a été impulsée par l’Institut Français des Administrateurs qui sous la houlette de Daniel Lebègue puis de Anne-Marie Idrac, ont expliqué à leurs collègues que ce sujet était sérieux, impliquant et indissociable des exigences de bonne gouvernance, non seulement pour éviter des pénalités et des attaques aux entreprises, mais surtout pour s’assurer qu’elles s’engagent bien dans les voies d’avenir, lesquelles seront avec moins de carbone et de ressource non renouvelable et seront plus attentives à leurs fournisseurs et plus contributives à la régulation de leurs marchés etc.. La troisième démarche qui fait bouger les lignes est purement économique et financière : les études ne cessent de paraître, en France et à l’étranger, qui démontrent des corrélations positives entre la performance actionnariale et les engagements RSE sérieux des entreprises ; près de 20% n’hésitent pas à dire certains experts.
Après la pression des ONG, la demande des « investisseurs éclairés », c’est maintenant la volonté des administrateurs qui fait bouger les pratiques des entreprises, pour affronter les grands problèmes du monde qui déterminent leurs résultats autant que les investissements technologiques ou les contraintes d’organisation. Cette prise de conscience n’en est qu’à ses débuts mais comme tout plafond de verre qui craque, il fait vite entrer la lumière et l’air extérieur dans la pièce et oblige à réagir fortement. Le capitalisme a du mal à se faire aux règles de la transparence et de la collégialité comme on le constate encore à pas mal d’AG ; il sent néanmoins que « la durabilité » des modèles économiques va faire la différence entre les entreprises sur la défensive et celles qui savent négocier les évolutions dans un monde à dix milliards d’humains. Il est vrai que l’économie d’entreprise ne se limite pas à la gestion des techniques ou à la maîtrise des investissements ; c’est aussi une « façon de penser le monde », de traiter les autres, de s’entendre en société ; les grandes aventures industrielles réussies ont toutes été portées par des dirigeants extravertis, au contact des questions de société et qui ont apporté à leurs contemporains une lecture optimiste des difficultés d’ici bas, pour relever les défis et faire accepter des innovations qui changent un peu la vie.
C’est exactement la définition du développement durable, mais en pensant plus loin encore dans le temps et dans l’espace. Les grands entrepreneurs de ce siècle seront ceux qui nous emmèneront jusqu’en 2100.